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Cameroun : Lettre incendiaire d’un fils de la région de l’Est à Paul Biya

BIYA PAUL bartho

Ce mercredi 23 octobre 2019, lebledparle.com a reçu à sa rédaction, le lettre de Lekaboth Yannick Stéphane, fils de la région de l’Est à Paul Biya. Dans cette correspondance datée du 22 octobre 2019, le signataire décrie les manquements et autres échecs du régime Biya au pouvoir depuis 37 ans.

BIYA PAUL bartho
Paul Biya (c) Droits réservés

Lebledparle.com vous invite à lire scrupuleusement cette missive.

Excellence, Monsieur le Président,

Le 6 novembre 2019, vous fêterez vos 37 ans de règne. Les jeunes et forces vives originaires de la Région du soleil levant ont l’honneur de vous souhaiter joyeux anniversaire.

Excellence Monsieur le président de la République,

30 ans, c’est le temps de la carrière d’un fonctionnaire camerounais. 37 ans après votre accession à la magistrature suprême, nous osons croire que votre régime voit déjà le crépuscule à l’horizon. La région de l’Est peut-elle s’arrêter quelques instants et jeter un coup d’œil rétrospectif ?

Lorsque vous accédiez à la magistrature suprême le samedi 6 novembre 1982, ce qu’on appelait alors province de l’Est présentait une fière allure avec les trois fleurons de son économie que sont :

– Les ZAPI-EST (Zones d’action prioritaires et intégrées de l’Est) fleuron des fleurons sans lesquels l’Est n’aurait jamais cette pléiade d’intellectuels qui vous ont accompagnés pendant vos 37 ans.

– La SCT (Société camerounaise des tabacs)

— La SOFIBEL (Société forestière et industrielle de Bélabo), la plus grande société forestière d’Afrique de cette époque.

Les filles et fils de l’Est peuvent-ils vous poser les questions : Que sont-elles devenues ? Que s’est-il passé ? Que pouvons-nous retenir de vos 37 ans de règne dans la région de l’Est ? Et pourtant que d’espoir suscité lorsque vous accédiez à la présidence de la République !

Force est de constater aujourd’hui que le Soleil levant agonise. Il accumule des retards à tous les niveaux, mais pourtant quels potentiels avec ses 109 000 Km2, le prolongement du bassin forestier du Congo avec ses immenses richesses, soit le quart de la superficie du Cameroun. Certains le qualifient de « scandale géologique ». La quasi-totalité des populations est aujourd’hui nostalgique de l’ancien régime. Elle n’est pas indifférente aux sirènes du fédéralisme. La Région se sent discriminée, elle a été marginalisée, délaissée durant le règne du Renouveau. Les projets implémentés ici n’ont jamais concerné l’Est. Ils y atterrissent toujours par défaut. Pour preuve :

–Lorsqu’on lance le projet de bitumage de la route Bertoua-Garoua-Boulaï puis, Ayos-Bonis, ce n’est pas pour désenclaver la région de l’Est, mais plutôt desservir les corridors Douala-N’Djamena et Douala-Bangui.

–Lorsqu’on lance la construction du grand barrage de retenue d’eau de Lom Pangar, le but n’est pas de fournir à la Région de l’électricité, mais plutôt de renforcer les capacités des barrages hydro-électriques de Songloulou et Nachtigal. Les deux turbines construites par défaut à ses pieds ne fourniront de l’électricité qu’à 60 % des foyers, excluant de surcroit du réseau les trois arrondissements les plus impactés par la montée des eaux à savoir Bétare-Oya, Ngoura, et Garoua-Boulaï.

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Dans d’autres Régions, les projets de cette envergure sont suivis de près par les élites. À l’Est, c’est le contraire. Résultat des courses alors que les routes pour accéder aux barrages de Memvele et Meking sont bitumées, celle qui mène à Lom Pangar ne l’est pas.

–Lorsque le président français, François Hollande, en visite au Cameroun, promet bitumer les voiries urbaines de trois villes camerounaises dans le cadre du programme C2D, soit Garoua, 45 km, Bafoussam, 45 km, et Bertoua, 43 km, au moment de sa mise en œuvre, les deux premières villes maintiennent leurs quotas, mais la troisième Bertoua va glisser de 43 à 14 km.

–Aujourd’hui, un seul homme originaire de l’Est détient une officine de pharmacie dans la région.

–Pour désengorger la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Yaoundé II, on crée une annexe à Bertoua.

–La Région compte combien de médecins, combien d’ingénieurs, combien de commissaires de police, combien d’administrateurs civils, combien d’officiers dans l’armée, combien de magistrats ?

–Où est passé « l’équilibre régional » dans les grands concours administratifs ?

–On voit comment la région de l’Est souffre de l’exploitation anarchique et abusive de ses ressources minières et forestières qui ne profite pas toujours aux communautés.

Excellence Monsieur le Président de la République,

La région de l’Est est mécontente de la marginalisation dont elle est victime. Elle se demande si nous sommes encore dans une même République. Le silence que nous observons depuis est souvent mal interprété et incompris.

Garder le silence veut-il dire qu’on approuve une action ? Est-ce un aveu de faiblesse ? Le silence est une forme de communication. C’est ce qu’on ne dit pas qui a une profondeur. Certes la violence est l’expression du mal-être. À cette culture de la violence, nous préférons le complot du silence. Silencieuse face à l’injustice, la région de l’Est rumine sa frustration.

Et pourtant, lorsque le 10 septembre 2019, dans un message retentissant et captivant, vous invitez le peuple camerounais à se retrouver pour un grand dialogue national, la région de l’Est a applaudi. Voilà l’occasion !!! Quelle n’a pas été notre surprise de voir les mêmes grabataires qui hier ont nié l’existence des problèmes du Nord-Ouest et Sud-ouest, confisquer le grand dialogue national ! Le plus grand scandale est venu de la délégation de l’Est.

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Comment expliquer que dans celle-ci se trouve encore et toujours cette élite roublarde et démagogue qui depuis des lustres vous accompagne et n’a jamais eu l’audace de vous dire que la région de l’Est accuse du retard ?

Comment expliquer la présence dans cette même délégation des ressortissants d’autres Régions parfois analphabètes et ignorant des problèmes de l’Est ? Cette attitude de l’élite est classique : on infiltre dans les délégations des femmes et des hommes incapables de défendre les intérêts de notre Région, de poser les problèmes réels que vivent les populations au quotidien. On préfère des gens qui iront ânonner, certains pensent que l’élite de l’Est est constituée des couards, des falots et cupides.

Excellence Monsieur le Président de la République,

À travers ma voix, les jeunes et forces vives de la région de l’Est ont décidé de vous tenir le langage de la vérité. Nous venons exprimer notre ras-le-bol, notre mal-être. L’implémentation de la décentralisation ne suffira pas à arrêter la désintégration de notre Région. C’est un véritable plan Marshall qu’il faut pour la région de l’Est.

La priorité des priorités doit être la création d’une université pour stopper ce déficit en mains-d’œuvre qualifiées (médecins, ingénieurs, économistes), la politique des annexes ayant montré ses limites. C’est un échec. « Celui qui ouvre les portes d’une école ferme celle de la prison », a dit Victor Hugo. La région de l’Est est semblable dans la bible à cet homme qui, allant de Jéricho à Jérusalem, en route se fait dépouiller par des brigands.

Excellence Monsieur le Président de la République,

La région de l’Est sollicite votre implication particulière dans le choix judicieux des femmes et des hommes soucieux du devenir de notre Région. Certes, il y en a qui se distinguent par leurs actions et leur dynamisme, mais cela n’est pas suffisant au vu des défis à relever dans notre Région.

Pour finir, il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter une fois de plus joyeux anniversaire et que le seigneur vous accorde la santé, qu’il vous donne davantage la sagesse.

LEKABOTH Yannick Stéphane, fils de la région de l’Est


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