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Cameroun : Dieudonné Essomba dispense un cours sur le dialogue national

D Essomba

Le 1er octobre 2019 marque au Cameroun, outre le 58ème anniversaire de la Réunification des parties anglophone et francophone, mais surtout selon le contexte actuel, la deuxième journée du dialogue national convoqué par le président Paul Biya. Selon Dieudonné Essomba, les choses ne fonctionnent pas comme cela devrait être. Raison pour laquelle il suggère une méthodologie à suivre aux meneurs du dialogue, sur sa page Facebook.

D Essomba
Dieudonné Essomba (c) Droits réservés

Le mardi 1er 2019, les huit commissions arrêtées par le président du dialogue national Joseph Dion Nguté sont entrées en scène.

Ayant à leurs têtes chacune un président, ces commissions se composent également des vice-présidents ainsi que des rapporteurs.

Vu la méthode de travail, Dieudonné Essomba pense plutôt que « Le dialogue national n’est pas un exercice d’école ». Au contraire, « C’est une rencontre extraordinaire des Camerounais qui vise un objectif clair, opérationnel, concret : mettre fin à une guérilla sécessionniste armée qui a chassé l’Etat des Régions rurales, détruit de grands fleurons nationaux comme la CDC et qui imposent les Villes Mortes et les Rentrées Mortes à Bamenda et Buea, malgré les tentatives désespérées des pouvoirs publics », écrit-il sur sa page Facebook ce 1er octobre.

Le bledparle.com vous propose la chronique de cette économiste où il propose les techniques à mettre en exergue pour amener les séparatistes à déposer les armes. 

LE DIALOGUE NATIONAL N’EST PAS UN EXERCICE D’ECOLE

Le Grand Dialogue national n’est pas un exercice d’école, dans lequel on peut faire des hypothèses qu’on peut remplacer si elles ne marchent pas, et ainsi de suite. C’est une rencontre extraordinaire des Camerounais qui vise un objectif clair, opérationnel, concret : mettre fin à une guérilla sécessionniste armée qui a chassé l’Etat des Régions rurales, détruit de grands fleurons nationaux comme la CDC et qui imposent les Villes Mortes et les Rentrées Mortes à Bamenda et Buea, malgré les tentatives désespérées des pouvoirs publics.

C’est cela le problème de fond qu’on ne saurait noyer dans des problématiques tout à fait périphériques ou qui n’en sont que de simples dérivées comme la reconstruction ou la relocalisation, puisque celles-ci sont tributaires d’une paix préalable.

Le thème principal du Dialogue est donc simple : « Comment pousser les Sécessionnistes à déposer les armes » ?

Et là-dessus, il n’existe que trois techniques :

  1. 1. REDUIRE MILITAIREMENT LA SECESSION ANGLOPHONE : cela a été le premier choix dès les premiers jours. Tout le monde croyait alors que c’est une petite affaire d’une escouade de gendarmes pendant 2 semaines tout au plus. Mais aujourd’hui, nous en sommes à plus de 3.000 morts si on en croît les ONG et plus de 500.000 déplacés. L’Etat n’existe pratiquement plus dans les Zones rurales, et même Buea et Bamenda sont affectées par l’emprise de la Sécession, puisqu’elle y impose les Villes Mortes et les Rentrés Mortes. L’organisation du Dialogue qui a été refusé n’est même pas étrangère à cet étau de la Sécession.
  2. 2. PERSUADER LA SECESSION DE LACHER LES ARMES : pour cela, il eût fallu qu’elle-même soit là, qu’elle accepte de discuter, et qu’on lui propose quelque chose de suffisamment intéressant pour l’amener à renoncer à sa lutte pour son indépendance. Or, cette hypothèse a été évacué dès le départ, car les conditions qu’ils ont posées pour participer n’ont pas été satisfaites, à savoir la libération des leurs condamnés ; et notamment de leur Chef politique AYUK TABE. Du reste, leur perception est que le Gouvernement ne discute jamais, mais impose ses points de vue, à qui ils ajoutent le risque d’être interpellés. Si AYUK et son Gouvernement ont été arrêtés au Nigeria et transférés à Yaoundé, on ne voit pas très bien comment le Gouvernement aurait laissé passer l’aubaine de les interpeler à Yaoundé alors qu’ils seraient venus d’eux-mêmes.
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Enfin, leur cause ayant pris une tournure internationale, ils pensent que leur intérêt est que toute négociation passe par des autorités internationales qu’ils estiment plus impartiaux. Ils ont ainsi plus confiance à la médiation suisse.

  1. 3. REDUIRE L’ATTRACTIVITE DE LA SECESSION : il s’agit ici de proposer aux Anglophones un modèle qui soit plus séduisant que la Sécession, et qui, s’il était adopté, viderait la Sécession de son attractivité. L’écrasante majorité des participants Anglophones ont proposé un tel modèle : l’instauration d’un Etat fédéral, sous la formule de 1961 ou sous une forme actualisée en 10 Etats. On voit bien ici que l’essentiel tourne autour de la suppression de l’Etat unitaire lui-même, devenu le symbole de l’assimilation, quelle que soit la forme dans laquelle il se présente.

D’un point de vue technique, c’est la seule hypothèse réaliste. Les Sécessionnistes ne reviendront jamais sur leur projet de séparation, car là où une guérilla sécessionniste se déclare, c’est une affaire de 40 ans, le temps du renouvellement complet d’une génération. Cela signifie que la génération actuelle qui a pris les armes ne les baissera jamais quelque soient les circonstances. Ce n’est donc pas demain que la Sécession va cesser de parler d’elle.

Mais d’un autre côté, le Cameroun n’a pas les moyens politiques, économiques, financiers et diplomatiques pour réduire la guérilla anglophone, contrairement aux thèses fanfaronnes de certains. Je l’ai dit et je le répète, à 20% de la population, on ne peut pas maintenir une Communauté de force dans les liens d’un Etat unitaire. C’est impossible. Du reste, la lutte anglophone pour l’autonomie a une légitimité historique puisqu’ils peuvent se prévaloir d’un proto-Etat et d’un passé fédéral. On ne voit pas très bien comment on peut éliminer ce genre de mouvement par la voie des armes.

En définitive, le seul moyen actuellement de réduire la virulence de la Sécession est d’instaurer le Fédéralisme qui permet de la sous-traiter suivant 3 angles :

  1. 1. il lui enlève son attractivité, car un grand nombre d’Anglophones se contenteraient volontiers d’une autonomie de type fédéral. Il ne faut pas laisser aux Anglophones le choix entre l’Etat unitaire et la Séparation, car ils choisiront la Séparation. D’ailleurs, les résultats du sondage réalisé par Monseigneur TOUMI, sous toutes réserves, a établi que 69% d’Anglophones étaient favorables à la séparation. Il faut leur ouvrir la perspective de la Fédération qui a l’énorme avantage d’enlever aux mécontents tout leur argument ! « Vous étiez venus sous le modèle fédéral, nous sommes rentrés dans le modèle fédéral ! »
  2. 2. le fédéralisme permet de combattre la Sécession de manière plus précuise et plus efficace, car il lui oppose une police locale qui a la légitimité populaire puisque formée des enfants de la Région, et qui connaît l’environnement physique et humain, l’Armée fédérale venante en appui. C’est tout le contraire d’une Armée Républicaine venant de partout, sans maîtrise de l’environnement, et qui va multiplier les bavures et lui donne rapidement les traits d’une force d’occupation ;
  3. 2. La Fédération complique le combat de la Sécession. En effet, dans un Etat unitaire, les infrastructures publiques appartiennent à l’Etat central et si elles se dégradent, l’Etat est obligé de se reconstruire puisqu’il doit continuer à afficher sa présence. Ce sont donc des cibles faciles. Dans une Fédération, les infrastructures de l’Etat fédéral sont très peu visibles, très concentrées et faciles à protéger. L’essentiel des infrastructures appartient en propre à l’Etat fédéré, c’est-à-dire, à la population locale. S’attaquer à ces infrastructures, ce n’est pas s’attaquer à la fédération : c’est s’attaquer à la population elle-même !
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 C’est pour cette raison que la Fédération gère mieux les Sécessions. Bien entendu, des gens nous évoquent le Nigeria où les sécessions persistent ! Oui, mais c’est un faux raisonnement ! En science humaines, on ne raisonne jamais en termes de panacée, mais d’optimum : il ne s’agit pas d’adopter un modèle parfait mais un modèle qui marche mieux que les autres. La Fédération nigériane n’a pas supprimé les Sécessions, mais si le Nigeria n’était pas fédéral, il n’existerait même plus du tout !

Du reste, la sécession anglophone n’a pas eu lieu dans un Cameroun fédéral ! Le Cameroun a bel et bien supprimé la Fédération pour éviter la Sécession et pourtant, le Sécession armée est là !

Je crois sincèrement que nous faisons fausse route. Tout ce tralala qu’on fait au Palais des Congrès montre une seule chose : les dirigeants camerounais n’ont absolument rien compris ! L’apparition d’une guérilla sécessionniste a créé une rupture qualitative dans le cours des événements du Cameroun qui rend caduques toutes les techniques utilisées depuis l’indépendance pour régler les problèmes politiques, à savoir un Gouvernement qui s’appuie sur un puissant parti, une administration pyramidale, une armée et une police pour édicter sa volonté, et qui n‘accepte que quelques réformes cosmétiques.

Le problème anglophone ne peut pas se résoudre par des artifices politiques. C’est impossible. Nous avons ici un mouvement armé qui n’obéit pas aux injonctions de Yaoundé et qui résiste sur le terrain depuis 3 ans. On ne voit pas très bien ce qu’on peut obtenir quand, dans un confit armé, un camp va se réunir avec ses amis sur la base de sa seule vision à lui, alors que l’autre camp obéit à d’autres référents.

En réalité, le Gouvernement nous met dans le sillage exact des 3 autres pays africains qui ont eu la folie de supprimer la Fédération issue de l’indépendance : l’Ethiopie, la Somalie et le Soudan. Et cela a donné aussi 3 Sécessions victorieuses. Les seules d‘ailleurs en Afrique !

Le Cameroun restait le dernier : il va les rejoindre !

Les Anglophones vont partir !

C’est imparable !

Dieudonné ESSOMBA


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