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Bavure langagière: Paul Biya assimile les nationalistes et l’opposition à Boko Haram

Paul Biya Discours
Bavure langagière: Paul Biya assimile les nationalistes et l’opposition à Boko Haram

Paul Biya Discours

« Toute proportion gardée, le combat contre Boko Haram est-il assimilable à la lutte de l’establishment contre les nationalistes qu’on appelle trivialement le maquis ou à la maîtrise de la protestation sociale du début des années 90 appelée «villes mortes»? »

Ainsi pour le président de la République, Boko Haram, la menace terroriste venue du Nigeria voisin où le régime d’Abuja fait face au fondamentalisme religieux salafiste entre dans le sillage des chocs historiques, des agressions mémorables qui jonchent l’histoire du peuple camerounais. Il faut selon lui prendre la menace au sérieux, comme l’ensemble du peuple camerounais avait fait front derrière l’armée le fit au long du conflit frontalier opposant le Cameroun au Nigeria au sujet notamment de la presqu’île de Bakassi. C’était une cause nationale. Car cela touchait à l’intégrité du territoire camerounais dont chaque citoyen est jaloux. Mais toute proportion gardée, le combat contre Boko Haram est-il assimilable à la lutte de l’establishment contre les nationalistes qu’on appelle trivialement le maquis ou à la maîtrise de la protestation sociale du début des années 90 appelée «villes mortes»?

Non assurément ! Car à l’origine des combats d’Um Nyobè et autre Ernest Ouandjé, se trouvaient des revendications portées par l’immense majorité du peuple: l’indépendance totale du Cameroun qui supposait qu’on en finisse avec néocolonialisme qu’incarnait le régime Ahidjo. Les nationalistes durent «entrer en brousse» pour mener le combat avec des méthodes sauvages que tous les humanistes critiqueraient. Mais ces méthodes étaient une réponse à la répression violente utilisée d’abord par le colon lui-même et dans sa suite, par l’autorité nationale installée au lendemain des indépendances en Afrique. Celle-ci soupçonnant les «maquisards» de s’appuyer sur les revendications nationalistes pour faire main basse sur le pouvoir. Juste ou cynique, cet argument du pouvoir aura en tout cas divisé l’opinion entre pro nationalistes et anti nationalistes. En tout cas, l’histoire notera au marqueur, l’héroïsme de la bande à Ossende Afana, Moumié, Djoubissi etc. D’ailleurs, quelques figures du nationalisme comme Um Nyobè seront fait héros national par une loi initiée par l’exécutif en 1991. Preuve qu’il y avait quelque chose de noble dans leur revendication.

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Dérisoire

Or, Boko Haram , dans la version camerounaise de son acception, n’a aucune revendication, jusqu’à l’instant. Le mode opératoire et les dégâts causés de cette machine de la terreur montrent bien qu’il s’agit de brigands, de bandits, de mercenaires en quête de rançons pour faire tourner la machine. On ne sait exactement d’où viennent les Boko Haram, ce qu’ils veulent précisément. Même si leurs actions laissent subodorer que Boko Haram vise la déstabilisation du Cameroun pour en faire « failed state » fertile pour leurs exactions. Toute comparaison avec les revendications nationalistes ne serait donc que simple dérision. Tout ce qui est dérisoire étant frivole, un homme d’Etat qui plus est le plus important devait-il assimiler quelques héros nationaux et leurs relais locaux à de grands bandits ? La morale commande de répondre par non. Encore que…

Il en est du « maquis » comme des villes mortes dont la principale raison d’être était la décrispation du climat socio-politique après la saison des libertés. L’opposition demandait une conférence nationale souveraine après les lois sur les libertés de décembre 1990 et appelait à la désobéissance civile. Un appel qui du reste, avait été suivi par une bonne frange de la population. Soupçonnant, des opposants à son régime de prendre des raccourcis pour arracher un pouvoir qu’il détenait depuis 1982 en plein monolithisme, Paul Biya déclarait la conférence nationale «sans objet» mais …. Engageait des discussions avec l’opposition et la société civile dans un cadre institutionnel baptisé : la Tripartite. C’est de là que germa l’idée de la réforme constitutionnelle adaptée aux options démocratiques. Aujourd’hui, on peut au prix du sang des villes mortes, prétendre à la limitation de mandats (jadis acquis mais expurgé par le régime) on prétend à la déclaration des biens des ordonnateurs de crédits ; au bicaméralisme ; aux appuis financiers à l’opposition ; à plus de liberté d’opinion qui structure le débat public. Comment avec cela, le chef de l’Etat peut-il comparer la menace de Boko Haram aux revendications nobles des nationalistes des années 60 et de l’opposition dans les années 90 ? A moins que par réaction machinale, Paul Biya exprime les soupçons que dans la version camerounaise de Boko Haram, il s’agit d’une rébellion donc un conflit politique interne au visage hideux d’un affrontement armé contre son pouvoir. Si c’était cela, il faut dire tout de go. Dans tous les cas, il faut sérieusement questionner la culture du président ?

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© Rodrigue N. TONGUE

 

 

 


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