Le président du Manidem réagit aux questions soulevées par le discours du chef de l’État mardi.
D’abord le timing du discours présidentiel, n’arrive-t-il pas trois ans trop tard à votre avis ?
Chaque parti et forcément le régime a son agenda. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on a affaire à une guerre de sécession donc forcément l’armée camerounaise a d’abord le devoir de consolider l’indivisibilité ou l’intégrité territoriale du pays avant d’envisager quoi que ce soit. Il était important qu’on oppose, face à des gens qui ont pris le pouvoir pour dépecer le pays, une résistance militaire capable de les décourager de leur entreprise.
Dès que le gens prennent les armes pour diviser un pays pour lequel des milliers de Camerounais sont morts, on ne peut pas leur proposer un dialogue. C’est justifier ou légitimer d’une certaine façon l’action qu’ils ont tenté de mener.
Sur le contenu, un « grand dialogue national » est annoncé fin septembre, vous défendez une position de fermeté vis-vis des sécessionnistes que le président convie au dialogue. Prendrez-vous part à un dialogue avec des leaders sécessionnistes ?
Il est évident que des groupes armés qui voudraient venir à ce dialogue ont d’abord l’obligation de déposer les armes, de réintégrer la dynamique unitaire du pays. Puisque dans ce dialogue national il est hors de question de revenir sur l’intégrité territoriale, sur l’indivisibilité de notre communauté nationale. Donc, forcément ceux qui viendraient seront certainement ceux qui ont déposé les armes.
Le cadre de ce grand dialogue national est la Constitution, a précisé le chef de l’Etat, ceci ne limite-t-il pas des réformes attendues de nos institutions ?
Dans ce genre de rencontre, l’occasion fait toujours le larron. J’ai cru lire .dans le discours du chef de l’Etat que cette rencontre a d’abord pour but de résoudre le ‘ problème anglophone mais quand la nation se retrouve, plusieurs aspects des problèmes vont être abordés, De toutes les manières, je ne pense pas qu’on couperait la parole à quelqu’un qui veuille introduire un débat ou une proposition dans le cadre des révisions constitutionnelles que des groupes d’intérêts, des partis politiques pourraient introduire, y compris une proposition de modification ou d’amélioration du code électoral. Quand la nation se retrouve comme ça, il y’a toujours des situations imprévues qu’on ne peut pas à la limite prévoir avant ce genre de rencontre.
Voyez-vous un intérêt à inscrire la crise post-électorale, avec la contestation persistante des résultats de la dernière présidentielle, au menu de ce grand dialogue national ?
La contestation post-électorale n’a rien avoir avec le problème anglophone. Je crois que c’est une attitude de positionnement qu’ont adopté le Mrc et ses alliés dans le but de compter, au cas où il y aurait peut-être un dialogue, mais la contestation post-électorale n’a rien à voir avec la résolution politique de la crise anglophone. Il faut séparer les choses. Peut-être qu’il faut imaginer ou espérer que dans le cadre du lancement de ce dialogue, des mesures d’apaisement interviennent aussi vis-à-vis de ceux qui ont été condamnés dans le cadre de la crise post-électorale. Mais bon, ça ne dépend pas de nous.
Nous dès le début, nous avons dit que l’arrestation des leaders de l’opposition n’est pas de nature à décrisper la situation socio-politique tendue. Mais l’avenir du Cameroun est au-dessus de tout, de nos intérêts, de nos objectifs, de nos ambitions. Il faut donc d’abord avant tout sauver le Cameroun avant de penser à nos propres intérêts politiques ou politiciens.
Au regard du précédent de la Conférence Tripartite dont certaines résolutions traduites dans la Constitution ne sont toujours pas mises en œuvre, quelle peut être la bonne formule pour une opérationnalisation optimale des recommandations du grand dialogue annoncé ?
En politique, c’est le rapport de force sur le terrain qui détermine l’issue de toute démarche. La Tripartite était un moyen que le gouvernement a entrepris, pour casser la dynamique de contestation à travers les villes mortes. Le gouvernement en 1991 s’est arrangé à emmener de son côté les forces rétrogrades, c’est les hommes d’affaires du RDPC qui ont négocié cette trêve des villes mortes qui a dépassé sur la tripartite.
Si la mobilisation des forces vives de la nation et des Camerounais, si les Camerounais sont mobilisés ou participent d’une manière ou d’une autre à ce dialogue national et sont attentifs, mobilisés pour que cela servent à changer la situation, forcément leur implémentation sera meilleure que celle des résolutions de la Tripartite.
Source : Le Jour n°3010