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Grand dialogue national : La méthode entonnoir de Paul Biya

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Dans son allocution radiotélévisée du 10 septembre dernier, le Chef de l’Etat camerounais annonçait la tenue d’un grand dialogue national en vue d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les composantes de notre nation ».


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Paul Biya discours du 10 septembre 2019 – capture vidéo

Certains ont vu en cette initiative une entourloupe, motivés en cela par les conditions d’organisation, le mode de sélection des participants, l’élaboration de l’ordre du jour, la conduite des travaux et enfin le sort qui sera réservé aux décisions finales. Pour ma part, je ne vais pas me lancer dans ces considérations juridico-politico-administratives où j’éprouve de lacunes avérées. Je me sens interpellé uniquement par l’intitulé de cette rencontre.

Depuis le perron de l’Elysée, le Chef de l’Etat s’était targué du fait que le Cameroun était parmi les meilleurs élèves de la France. Mieux que la sujétion, nous devrions être davantage fascinés par l’histoire hexagonale.

L’effet des teumières

Comme ce fut le cas plusieurs fois depuis le Moyen Age, en 1789, les Etats généraux réunissent le Clergé, la Noblesse et le Tiers état. L’objectif était de mettre un terme à la révolte des nobles suscitée par une crise financière et dirigée contre la bourgeoisie naissante et le pouvoir absolu du roi. Les débats furent âpres.

Le roi Louis XVI voulait imposer sa volonté en menaçant le Tiers état. La suite on la connaît : le Tiers état est resté soudé pendant les assises et (‘Assemblée nationale, constituée en majorité de ses membres vit le jour. Le pouvoir absolu disparaissait au profit d’une monarchie de type constitutionnel. La révolution française était sur les rails.

En juillet 1961, la conférence de Foumban était chargée d’élaborer les bases d’une fédération imminente. Cette dernière fut effective le 1er octobre. De part et d’autre du Mungo l’on s’est félicité de ce tournant historique. Pourtant une décennie plus tard la forme de l’Etat changeait à nouveau.

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Un objet sans objet

Au lendemain de l’effondrement du mur de Berlin et à la faveur du vent d’Est, La Baule socialiste conditionna sa coopération à une démocratisation des régimes en place en Afrique. Avec le torse bombé, le pouvoir de Yaoundé prétendit que la conférence nationale était sans objet pour le Cameroun. La grogne de la rue et la pression internationale aboutirent à la convocation de la bien nommée Tripartite. Le conclave réunissait trois entités a savoir : le pouvoir, les partis politiques de l’opposition et la société civile. L’issue des débats fut consignée pour la plupart dans la nouvelle constitution promulguée le 18 janvier 1996.

Quand le Président Biya annonce la tenue d’un grand dialogue national, je suis tout de même sceptique quant au succès d’un tel projet. Sur un plan purement sémantique, un dialogue est un entretien, une discussion entre deux personnes, deux parties, deux entités ou deux groupes, à la recherche d’un accord, d’un compromis.

A voir ce qui se passe en ce moment, c’est pratiquement toutes les composantes politiques, administratives, sociales, économiques, traditionnelles… qui sont conviées à cette table. Et curieusement tout le monde s’entête à parler de dialogue. On aurait dû soit changer d’appellation (congrès, conférence, table ronde, conseil…), soit changer de format (deux camps, deux groupes antagonistes).

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Les qualificatifs « grand » et « national » ne sont que des dorures. Ils n’influencent en rien le paradigme Protagonistes. Le sérieux de la situation nous l’impose. Nous sommes ici dans le cadre d’une allocution présidentielle et non dans un concours de belles lettres où la polysémie, ta synonymie et autres procédés stylistiques sont fortement recommandés.

Narcisse au marigot

Les consultations en cours laissent croire que ne sont concernés au premier chef que le parti au pouvoir et ses alliés, et une élite administrative afférente. Autrement dit un parti-Etat et/ou un Etat-parti. Ce qui présage qu’en lieu et place d’un dialogue, il nous sera servi plutôt un monologue, voire un soliloque, pire un solipsisme.

S’il est vrai que le mot chien ne mord pas, convenons aussi que c’est à travers l’habit que l’on reconnaît le moine. La réussite des assises du 30 septembre au 4 octobre prochain me parait largement compromise. Au-delà de la qualification trompeuse de la rencontre, les préalables non satisfaits, le boycott de certains invités, la gestion quotidienne du conclave et la force élocutionnelle des conclusions constitueront autant de sources d’insatisfaction. Contrairement à Versailles, le Palais des Congrès de Yaoundé ne dispose pas d’une salle de Jeu de paume. A moins que le succès ne se mesure au degré de sourire des participants, découlant du remplissage de leurs panses et de leurs poches.


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