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Jean Michel NINTCHEU, Député de la nation: «Le Burkina a parlé par anticipation à Paul Biya»

Biya Compaor
Paul Biya, Nicolas Sarkozy, Compaoré, en France en 2010, lors de la commémoration de la prise de la Bastille

Biya Compaor

A la fin du septennat en cours, M. Biya aura passé 36 ans à la magistrature suprême. Il aura 85 ans en 2018, si la nature est par extraordinaire favorable à son horloge biologique

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Un vieillard de cet âge qui a déjà largement dépassé l’âge légal de départ à la retraite qui est de 60 ans à la fonction publique et qui est de surcroit usé et fatigué par l’exercice continu et sans partage du pouvoir, ne saurait gérer efficacement et avec doigté un pays. Tous les psychologues vous diront qu’humainement, quand on est au quatrième âge, on ne peut pas gouverner avec discernement et de façon productive un pays, même si on est un magicien.

Il est notoirement connu depuis plusieurs années que M. Biya n’est plus en pleine possession de ses moyens pour gouverner. Le pouvoir est abandonné entre les mains des prédateurs et des incapables qui n’ont pourtant reçu aucun mandat du peuple. La preuve qu’il le leur a abandonné est le discours du 31 décembre dernier dans lequel il a dénoncé son régime en faisant le bilan catastrophique de ses 31 ans de règne et surtout prononcé l’oraison funèbre du gouvernement Yang Philémon qui est curieusement toujours à pied d’œuvre. Un an après ce discours –confession, il n’a pu rien faire contre eux, prouvant ainsi son incapacité à manager, malgré l’immensité des pouvoirs qui lui sont conférés par les textes taillés à sa juste mesure. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a plus de contrôle sur ses propres créatures. Il a fait plus d’une trentaine de remaniements ministériels qui n’ont pas pu stopper l’agonie du pays. Tout est allé de mal en pis. Depuis plus d’une dizaine d’années, il a donné la preuve qu’il n’est pas capable de choisir des hommes compétents pour gérer les différentes administrations de notre pays.

Le peuple camerounais ne saurait subir davantage en 2018 le diktat d’un président qui a embourbé depuis une vingtaine d’années le pays dans la corruption et le népotisme au point de ne trouver aucune solution pour y remédier. On n’a pas besoin de mener une enquête pour se rendre compte que le Cameroun est dans une misère noire du fait d’un président qui, en dehors des discours démagogiques, n’a aucune solution à proposer pour faire passer les indicateurs socio-économiques du rouge au vert. Taux de pauvreté de 40%, ce qui signifie que 8 millions de Camerounais vivent avec moins de 500 Fcfa par jour. Taux de sous-emploi de 75%. Smig le plus bas d’Afrique centrale (28.200 Fcfa par mois). Taux de chômage : 90% de la population active, secteur informel non pris en compte. Clochardisation des fonctionnaires et agents de l’Etat relevant du Code du travail du fait de la double coupe drastique de leurs salaires. Précarisation des étudiants des universités et grandes écoles du fait de la suppression de la bourse et de l’instauration de la scolarité payante. Promesses fallacieuses : lycées agricoles, banque agricole, banque des pme, réouverture de la Cellucam, autoroute Douala-Yaoundé. Privatisation sur fond de braderie en meutes organisées de nos entreprises de souveraineté. Retrait progressif des investisseurs étrangers du capital de certaines grandes entreprises stratégiques. La liste est loin d’être exhaustive. Plus grave, sous son règne, la paix claironnée avec redondance dans les discours officiels n’est plus un acquis. Alors qu’il a hérité en 1982 d’un pays qui n’était pas en guerre. La corruption est devenue endémique. La prévarication et les détournements des deniers publics sur fond d’impunité sont devenus la règle. La récente condamnation des officiers de l’armée pour salaires fictifs n’est que l’arbre qui cache la forêt d’un gigantesque réseau qui a siphonné plus de 2.000 milliards Fcfa en 20 ans.

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Concernant le chômage, il a achevé de convaincre qu’il n’a aucune solution pour l’emploi des jeunes qui, après des diplômes à l’université, continuent d’envahir les rues dans un désœuvrement tragique et un dénuement choquant. Il a plongé le Cameroun dans un trou tellement grand que toutes les mesures par lui annoncées tombent fatalement dans les profondeurs abyssales de l’inertie voire de l’oubli. Il faut être frappé de cécité chronique pour ne pas se rendre compte qu’il est impossible pour lui de redresser en 07 ans ce qu’il n’aura pas pu faire en 36 ans de règne. Surtout qu’il vit plus à l’étranger que dans son propre pays. A ce titre, le peuple camerounais ne pourra pas continuer en 2018 à subir un président qui fait flamber les caisses de l’Etat avec son train de vie princier.

Des griots zélés prétendent ou prétendront que M. Biya a apporté la démocratie, la liberté et les droits de l’Homme au Cameroun. La réalité est toute autre. Depuis le retour forcé au multipartisme, on assiste sur le plan politique à un pluralisme qui est plus administratif que réel (297 partis politiques légalisés). Interdictions de meetings et manifestations publiques  systématiquement servies aux partis politiques de l’opposition par des sous-préfets aux ordres. Elections truquées. Code électoral inique. Découpage électoral injuste car ne garantissant pas l’égalité constitutionnelle des citoyens devant le suffrage universel. Dérive monarchique permanente des institutions. Modification de l’article 53 de la Constitution qui accorde dorénavant au président de la République une immunité à vie, même pour les actes posés en dehors de son mandat.  Le peuple camerounais ne saurait continuer de compter sur un dictateur qui a besoin de plus de 18 années pour faire appliquer une partie de la Constitution qu’il a lui-même conçue et approuvée par le biais d’un décret d’application. Rien ne justifie à ce sujet la non mise sur pied du Conseil constitutionnel. Rien n’explique la non application jusqu’ici  de l’article 66 sur la déclaration des biens alors que le décret d’application de l’article 6 alinéa 2 de la Constitution levant le verrou de la limitation du mandat présidentiel avait été signé au lendemain de sa modification à l’Assemblée nationale.

Concernant la liberté et les droits de l’Homme, M. Biya veut à tout prix nous ramener vingt ans en arrière. Intimidations, arrestations-kidnapping, tortures diverses et exécutions extrajudiciaires. Liberté d’expression en trompe-l’œil. Tentatives de musellement de la presse et caporalisation des journalistes au mépris des lois, des chartes et des conventions internationales pourtant ratifiées par le Cameroun. Le cas le plus récent est l’assignation liberticide servie par le Tribunal militaire à trois journalistes le 28 octobre dernier. Procès kafkaïens sur fond d’acharnement et d’épuration politique. Opération d’assainissement des mœurs publiques et de lutte contre les détournements à tête chercheuse et à géométrie variable. Diktat de l’exécutif sur le législatif et le judiciaire du fait de la non séparation des pouvoirs.

Nos prisons sont de véritables mouroirs du fait entres autres de la surpopulation carcérale et de l’indignité ambiante. Quand on y entre, on en sort mort ou au mieux avec des stigmates qui vous désorientent durant le restant de votre vie.

Globalement ce ne sera certainement pas sous le règne de M. Biya qu’il y aura une quelconque amélioration dans quelque secteur que ce soit de la vie de notre Nation.

Pour terminer, les expériences politiques nous enseignent que le pouvoir rend parfois ivre. Elles nous professent également que la longévité excessive au pouvoir plonge inéluctablement tout monarque dans le ridicule et ceux d’un certain âge dans une démence sénile au point où Ils finissent toujours par tomber dans le déshonneur et devenir la risée de leur peuple. Les récents évènements au Burkina Faso sont édifiants à propos. Le Burkina a parlé par anticipation à M. Biya. Ce qui arrive à son ex-homologue devrait lui servir de leçon. Aucune armée au monde, aussi puissante soit-elle, n’a jamais eu raison d’un peuple déterminé. Le peuple camerounais n’est certainement pas resté insensible à la bravoure légendaire de ce vaillant peuple frère.  Blaise Compaore a été chassé à 63 ans après 27 ans passés au pouvoir. En 2008, lorsque M. Biya modifiait la Constitution pour faire aboutir son projet funeste d’éternisation au pouvoir, malgré l’opposition de l’immense majorité de camerounais qu’il avait par ailleurs fait massacrer  par centaines, il avait 75 ans. En 2018, cela fera 10 ans de sursis et M. Biya aura 85 ans bien sonnés. Le seul conseil que je peux lui prodiguer est d’éviter de faire le forcing de trop en 2018. Au risque d’atterrir pitoyablement, définitivement et irréversiblement dans les poubelles répugnantes de l’Histoire du Cameroun.

 

© Le Messager – propos recueillis par Alain NJIPOU 




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